Le Concile de Nicée 325

Histoire Chrétienne, Numéro 28

Par Bruce L. Shelley

L'enjeu du premier Concile oeucuménique de l'Eglise se concentrait sur une question simple, mais profonde: Qui est Jésus-Christ?

LE 4 JUILLET 325, ÉTAIT UN JOUR MEMORABLE. Environ 300 évêques et diacres de la moitié orientale de l'Empire Romain étaient venus à Nicée, une petite ville près du détroit du Bosphore, qui coule entre la mer Noire et la mer Méditerranée.

 

Dans la salle de conférence où tous attendaient se trouvait une table. Sur elle était placée une copie ouverte des Evangiles. L'empereur, Constantin le Grand, entra dans la salle avec ses insignes impériaux, incrustés de joyaux et multicolores, mais par respect pour les chefs chrétiens, sans son train de soldats habituels. Constantin ne parla que brièvement. Il exhorta les hommes d’église afin qu’ils s'entendent sur les questions cruciales de la foi qui les divisaient. « La division dans l'église, dit-il, est pire que la guerre. »

 

Les évêques et diacres étaient profondément impressionnés. Après trois siècles de persécutions provoquées par des empereurs romains, les voici maintenant ensemble avec un empereur qui était leur allié et non leur ennemi. Certains, parmi les responsables d’églises portaient des cicatrices des persécutions passées. Un pasteur d'Egypte manquait un œil; un autre était paralysé aux bras, suite à la torture. Mais Constantin avait laissé tomber l'épée de la persécution pour prendre la croix de la réconciliation. Juste avant une bataille décisive en 312, il s'était converti au christianisme.

Le concile de Nicée symbolisait un nouveau départ pour le christianisme. Les disciples persécutés du Sauveur d’hier, étaient dorénavant  habillés en fin lin, occupant le poste des conseillers respectés de l’empereur. La religion chrétienne, autrefois méprisée, était en voie de devenir la religion d'État, le ciment spirituel d'une société unique, où la vie publique et privée étaient unies sous le contrôle de la doctrine chrétienne. Cependant, si le christianisme devait servir de ciment à l'Empire, il devait suivre une foi unifiée. Ainsi les empereurs ont convoqué des conciles ecclésiastiques, comme Nicée ; ils en ont couvert la totalité des dépenses pour le voyage et l’entretien des évêques, dans le seul but d’encourager l'unité doctrinale de l’église.

Une question troublante

La pression impériale était visible à Nicée, le premier Concile oecuménique de l'église. Constantin voulait que les évêques résolvent le conflit doctrinal créé par l'arianisme, conflit qui nuisait à la paix religieuse et sociale de l’empire.  Arius était un pasteur influent de l’église d’Alexandrie, en Égypte.  Il enseignait que le Christ, bien qu’il soit plus qu’un homme, il était toutefois moins que Dieu, le Père. Selon Arius, à l’origine, Dieu vivait seul et n'avait aucun Fils. Puis Dieu créa le Fils, qui à son tour créa le reste de l’univers. L’enseignement arien persiste jusque de nos jours dans certaines sectes chrétiennes.

Arius a popularisé son hérésie en l’expliquant en des termes simples, qui pouvaient être repris et même chantés par tous.  Mêmes les ouvriers sans éducations qui déchargeaient les bateaux au port d’Alexandrie pouvaient chanter sa théologie populiste pendant leur travail ardu.  En outre, en faisant du Fils éternel une petite divinité, Arius le rendait compatible aux croyances polythéistes de plusieurs de ses nouveaux convertis. Le christianisme enseigné par Arius ressemblait aux religions païennes de leur enfance: Le seul Dieu suprême, qui demeure seul, aurait créé un certain nombre de petits dieux qui travailleraient à son compte sur la terre. Ces anciens païens avaient difficile à comprendre la croyance chrétienne traditionnelle selon laquelle le Christ, le Verbe divin, existe de toute l'éternité, et est égal au Père Tout-Puissant. Ainsi l'arianisme s'est répandu rapidement, au point de susciter l'inquiétude de Constantin.

Le concile de Nicée a donc été convoqué par l'empereur Constantin, et s’est tenu dans le palais impérial, sous ses auspices. Constantin considérait les enseignements ariens - que Jésus était un être créé subordonné à Dieu - comme une matière théologique sans grande importance. Mais il voulait préserver la paix de l'Empire qu'il venait de conquérir à un grand prix. Lorsque ses lettres diplomatiques envoyées précédemment n'ont pas réussi à résoudre le différend, il a donc pris la décision de convoquer environ 220 évêques, qui s’étaient réunis pendant deux mois pour élaborer une doctrine universellement acceptable sur la personne de Jésus-Christ.

Une fois le Concile de Nicée convoqué, beaucoup d’évêques étaient prêts à faire des concessions doctrinales pour mettre fin au conflit, comme le voulait l’empereur Constantin. Mais un jeune diacre d'Alexandrie, Athanase, avec l'appui de son évêque, Alexandre, a insisté sur le fait que la doctrine d'Arius laissait le christianisme sans un Sauveur divin. Athanase a poussé le Concile à clarifier davantage sa position sur la divinité totale de Jésus-Christ.  C’est la raison pour laquelle une cascade d’expressions ont été ajouté à la confession de Nicée pour l’éloigner davantage de l’enseignement d’Arius.  Jésus-Christ, le Fils éternel de Dieu y est décrit comme :

«Vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non créé, d'une seule substance avec le Père . . . . »

L'expression homo ousion, «une substance», a été probablement introduite par l'évêque Hosius de Cordue (l'Espagne actuelle). Comme il avait une grande influence sur Constantin, le poids impérial portait donc sur sa formulation. Après un long débat, tous les évêques, sauf deux, s’étaient mis d’accord sur un credo qui confessait la foi « en un seul Seigneur Jésus Christ, » « Vrai Dieu de vrai Dieu ». Constantin était heureux, pensant que la question était résolue.

Une question non résolue

Mais le Concile de Nicée n’avait pas résolu la question de la divinité du Christ, comme voulu. Le siècle suivant a vu une bataille réglée entre les partisans de Nicée et ceux d’Arius. D'abord, l’empereur Constantin lui-même, puis ses successeurs, sont intervenus en personne, à plusieurs reprises, pour bannir plusieurs théologiens qui divergeaient avec la position officielle de l’église adoptée par l’empire. En effet, les positions ecclésiastiques dépendaient dorénavant de la proximité vis-à-vis de l'empereur. La longue lutte entre le pouvoir impérial et la formulation doctrinale de l’église culminera au milieu du Ve siècle par les sessions du Concile de Chalcédoine en Asie Mineure (Turquie actuelle). Là, les pères de l'église ont conclu d’une manière définitive que Jésus était complètement Dieu et complètement homme. En d'autres termes, Jésus avait deux natures ; une nature humaine et une nature divine, mais en une seule personne.

Cette affirmation classique et orthodoxe de Chalcédoine a permis de présenter l'histoire de Jésus comme une bonne nouvelle. Puisque Jésus est un être humain normal comme nous ; l'os de nos os et chair de notre chair, il a pu satisfaire toutes les exigences de la loi morale de Dieu ; il a souffert, il est mort réellement en notre faveur. Puisqu'il est vraiment Dieu, sa mort a satisfait la justice divine. Dieu lui-même s’est donné en sacrifice pour nous. Le concile de Nicée a donc posé la pierre angulaire de la compréhension orthodoxe de Jésus-Christ, et cette fondation demeure.


Bruce L. Shelley est professeur d'histoire de l'Église au Séminaire de Denver et membre du conseil consultatif de l'histoire chrétienne.






Last modified: Thursday, April 6, 2017, 10:09 PM